
Metteur en scène et comédienne,
Ozùa Sùho TAYORO débute son aventure théâtrale en montant «
La Voix des Hybrides ».
Cette pièce fut montée sur la base d’un projet culturel de trois étudiantes en médiation culturelle à Sorbonne Nouvelle : Marie Richeux, Erell Mathieu et Maryelles Schaeffer ; ce projet fut baptisé «
Transmission de générations en générations, des histoires d’immigrés… ». Il avait pour ambition de démontrer la problématique de la transmission générationnelle, au sein de familles issues de l’immigration.
Ce spectacle s’est produit le
11 juin 2005 au Théâtre de la Noue à Montreuil, avec le soutien de la ville de Montreuil et la mairie de Bagneux.
Les comédiens :
Etienne CURON
Bélinda DUKI
Evangelina GROFSMACHT
Pierre KOUNGA-BEPE
Mokrane NEDAF
Adeline Djoua TAYORO
Véra VERHAGENles musiciens :Emmanuel BUREmmanuel MarylineChorégraphie :Sabine THEMELe déroulement du projet, était de convier trois familles issues de l’immigration, acceptant d’y participer pleinement ; ce qui signifiait rencontrer un metteur en scène lors de plusieurs ateliers, où se déroulerait le travail de recueil des diverses histoires familiales de chacune. Fortement marqué d’une dimension socioculturelle, le projet s’inscrivait également dans une réelle démarche artistique. L’enceinte même du théâtre était donc de crédibiliser et de légitimer ce travail et de lui offrir une véritable aura artistique.
Pourquoi ont-elles tenu à travailler sur ce thème ? Leur génération ressent de façon importante, le manque de communication et d’échange qui réside dans notre société. Ensuite, parce qu’ayant toutes les trois grandies avec des enfants issus de l’immigration et par la suite travaillé dans l’animation avec ces mêmes enfants une génération plus tard, cela les a sensibilisées à ces questions de construction d’identité et de transmission. Ce thème les concernait donc directement. Il est aussi le fruit d’une réflexion plus idéologique, presque politique, qui a susciter l’envie de traiter cette question d’un autre point de vue : le leur, en tant que jeunes médiatrices culturelles. Partant du constat que la culture est encore très peu ouverte au milieu populaire et ou immigré, et que celui-ci d’autre part s’en désintéresse, il leur a semblé important de les y familiariser. Cette problématique est abordée depuis longtemps par plusieurs corps de métiers tels que le corps social, le corps médical … Elles réfléchirent au fait que l’acteur culturel, en l’occurrence le théâtre, pouvait s’en saisir pour proposer une réponse autre, qui ne prétend en aucun cas être une résolution, mais qui initie des pistes différentes pour aborder ce thème. En prenant comme outil culturel le spectacle, elles espèrent donner une aura artistique aux récits et les valoriser afin de les présenter autrement qu’ils peuvent l’être habituellement.
Note du metteur en scène au sujet de « La voix des Hybrides » :
Pourquoi ai-je voulu participer au projet culturel, transmission de générations en générations… ? Née en France et étant d’origine d’Afrique de l’Ouest, le thème passionnant de ce projet m’a particulièrement interpellé ; connaissant bien la dite problématique de la question de la transmission, de l’histoire familiale des parents issus de l’immigration, je ne pouvais qu’être intéressée par ce sujet qui est, plus que jamais d’actualité en ces temps troubles que nous vivons aux quatre coins de la planète, qu’ils soient d’ordre politique, sociaux et/ou religieux. J’écris la dite problématique en italiques, car, bien que née en France, j’ai toujours su naviguer à loisir entre ma culture française et mes origines africaines, sans même que cela soit calculé, réfléchi, conscient, douteux et hasardeux. Cette formidable aventure scénique, qui prit vie, grâce au précieux recueil de l’histoire de ses familles, dont certaines d’entre elles, tentent tant bien que mal de conjuguer leur vie au sein de leur nouvel environnement géographique, et d’y voir grandir leurs enfants, parfois au détriment de leurs traditions, coutumes et valeurs ancestrales ; ces derniers étant libres de choisir ou non d’y porter ou non un intérêt. Je tenais à comprendre pourquoi, certains enfants vivent cette double culture de façon systématiquement problématique, et d’autres non.
Il me semblait intéressant, une fois les histoires récoltées et jouées sur scène par des comédiens, étrangers ou non à ces histoires intimes, d’observer la réaction des personnes qui nous auront aimablement confiés des pans de leur vie, retranscrites autant que faire se peut, au su et au vu de tout à chacun. La représentation et l’interprétation théâtrales de leurs histoires personnelles, de ce fait, possédant un côté ludique, artistique, culturel, voire pédagogique, pouvait susciter en eux des réflexions qu’ils n’auraient probablement pas soupçonnés au départ. J’ambitionnais également que leurs enfants, seraient ravis de découvrir ou de redécouvrir des morceaux de vie de leurs parents, valorisés, car présentées artistiquement.
Les différents vecteurs artistiques habillant leurs récits personnels, tels que le mime, le chant, la danse et la musique permirent certainement aux narrateurs de se découvrir sous un nouveau jour, que l’Art aura, dans le meilleur des cas, sublimé et paré d’une aura particulière. On a coutume d’entendre : « Pour savoir où tu vas, il te faut savoir d’où tu viens », ce qui déterminerait l’existence d’un Homme, et plus particulièrement d’un enfant en devenir, issue d’une famille immigrante, ne serait-ce pas tant de savoir d’où il vient que ce qu’il deviendra ? Assumer ses choix, ne pas les subir, telle est la problématique et le défi de ces enfants acceptant ou non, la transmission parentale générationnelle. Pourquoi la vie devrait-elle être un défi permanent pour ces enfants riches d’une double culture ? Ne peuvent-ils pas être des citoyens comme les autres, dans tout ce qu’ils ont de plus banal et de plus intéressant ? Cette transmission culturelle, est elle un principe vital ? Lui apportera-t-elle les armes, les bases nécessaires à sa construction, l’épanouissement nécessaire à son statut d’enfant et au passage délicat, sensible et inévitable d’adolescent à la condition d’adulte ? Certainement, qui en douterait ? Néanmoins, et en dépit de toutes leurs bonnes intentions, (la société française, les politiques, les diverses institutions publiques oeuvrant à la bonne marche des populations migrantes, les associations humanitaires, etc., et les propres parents immigrés de ces enfants), la confusion s’installe et est souvent de mise, entre tous les termes suivants : cultures, valeurs, traditions et transmissions ancestrales, coutumes, modèles d’éducation, qui correspondent à des milieux sociaux, à des époques diverses…
Enfin, Pourquoi le titre
La voix des hybrides ? Tout comme la musique, l’être humain riche de plusieurs cultures, et tout particulièrement l’enfant dit issu de l’immigration, et en phase de devenir adulte, est un être hybride, car métisse, mixte, croisé, composite, disparate, hétéroclite, hétérogène, etc. Cet être, que la société est prompte à classifier et à étiqueter, est mû par 3 pôles majeurs : le temps (la façon dont il l’use, dont on l’amène à en user, dont il peut être amener à le perdre, etc.), l’espace (de quelle manière l’occupe-t-il ?) et la scène (sa scène de vie, ses planches de représentations, ses tribunes d’expressions, etc.). Tout comme cet être hybride, la musique est vectorielle, et mue par ces 3 dimensions majeures : l’art du temps, l’art de l’espace et l’art de la scène. Tout comme la musique de la vie, de SA vie, l’être hybride sert (volontairement ou involontairement, consciemment ou non, etc.) de support à la transmission des valeurs, cultures et traditions parentales, et rend ardue, toute catégorisation ou étiquetage logiques et méthodiques.
A Montreuil, un partenariat s’est également établi avec le centre social Lounès Matoub, qui mit à notre disposition un local disponible pour l’organisation des ateliers, et l’association Boules de neige, qui fit en sorte que les parents participent autant que possible à tous ces projets.